[Fan-Fiction] Short-story : Phobia

Phobia
Part 1

[n.f.] Peur pathologique et injustifiée de certaines situations, d'objets ou de personnes.


[...]

Dans l'indigo de la nuit, ponctué de l'ivoire des étoiles, avançait une silhouette seule - voyageur au pas tranquille; nullement impressionné par les allures d'abîme du crépuscule, avançant en de ce qui ressemblait à un long bâton de marche, enroulé dans des bandelettes d'étoffe.

Le personnage, revêtu d'un ample manteau d'un noir sale et grisâtre, s'approchait d'une assez grande hutte, à l'allure assez simple - devant l'entrée circulaire, un Toa se dressait, les bras tendus vers le large feu qui crépitait et dansait faiblement, illuminant vaguement la terre autour de lui, comme si l'ombre forçait son étau autour de la flamme, pour la contraindre et la faire taire.

Le voyageur ralentit et passa son bâton en bandoulière sur son épaule, se réchauffant à son tour - luttant tant bien que mal contre le souffle glacial de la nuit, qui était tantôt un murmure chargé de menace, tantôt un hurlement de haine, contre tout ce qui aime la lumière et la chaleur...

Levant les yeux vers le haut de la hutte, le vagabond devinait un mince filet de fumée qui s'effilochait et se dispersait à peine sorti de la cheminée de la yourte faite de toile et de peau tannée ...

Son regard descendit le long des pans d'étoffe usée pour rencontrer finalement le regard du Toa, qui le scrutait patiemment...

Le voyageur toussa sèchement, alors que le Toa lui demandait, par des mots presque jetés, comme si la moindre syllabe prononcée était déjà de trop :
" Que veux-tu, étranger? "

Ledit étranger toisa un instant le Toa, puis fouilla dans une poche interne de son manteau, pour en ressortir deux choses - une insigne, gravée sur un petit bouclier de la taille d'une paume, et une bourse - frappée du même symbole.

Il toussa de nouveau avant de répondre :

" Je ... Je viens au nom des Chasseur de l'Ombre. Et à titre personnel."

L'autre passa son regard de l'insigne à la bourse, puis au regard de son interlocuteur, avant de rétorquer d'une voix sèche :

" Quel est ton nom ? "

Devinant qu'il avait éveillé l'intérêt du Toa, le voyageur s'inclina - geste pénible et difficile, par ce vent glacial à en être brûlant - en se présentant :

" Shas'ui, Chasseur de l'Ombre et Vagabond, à votre service. "

Il se redressa et, une lueur inquiète dans son regard, continua :

" ... Me recevra-t-il ? "

Le Toa fit signe à Shas'ui de s'approcher et, ce dernier arrivé à côté de lui, il lui mit la main sur l'épaule.

" Combien propose-tu ? "

Shas'ui posa un regard hésitant sur le Toa.

" ... Pour quelle chose ? "

Son interlocuteur sourit ironiquement.

" Pour le total. "

Shas'ui haussa des épaules, plissa les yeux, soupesa la bourse, l'ouvrit et remua les pièces à l'intérieur, puis la referma; la soupesa de nouveau et, finalement, la tendit au Toa.

" Je pense que ceci fera l'affaire. "

A peine avait-il tendu le bras que la bourse avait disparue dans les mains du Toa.

" Tu comprends vite .. Va vite à l'intérieur. Ne sois pas surpris, il fait très chaud dedans ... N'hésite pas à ôter ton manteau. Oh, et ... Il t'attend."

Le Toa haussa des épaules devant le regard plein de surprise de Shas'ui, mais le retint juste avant que le voyageur ne rentre dans la yourte.

" Si tu pouvais laisser ta Lance à l'entrée ... "

Avant même que Shas'ui ne réponde, une voix agée, usée, presque poussiéreuse gémit depuis l'intérieur :

" Laisse-le donc passer ... Et qu'il garde donc sa lance, je sais qu'il n'aimerait pas à avoir à s'en séparer ... N'est-ce pas ? "

Sans mot dire, le Toa s'effaça pour laisser rentrer Shas'ui.

Le voyageur, en rentrant, se crut totalement ailleurs - accueilli par une épaisse fumée blanche,baignant dans une pâle lumière jaune, et une chaleur à la limite entre le confort et l'étouffement.

Suivant le conseil du Toa, il enleva son manteau, le tenant plié sur son avant-bras ...

" Si j'étais toi,je le garderais ... "

A peine cette vois, symbole même de l'ancienneté, avait-elle achevée sa phrase, que la lumière disparut, et toute la chaleur fut sembla être chassée par un coup de vent hurlant...

Tant bien que mal, Shas'ui remit son Manteau - mais à l'instant même où il l'avait passé, la lumière revenait, et avec elle, la chaleur.

Et de nouveau, cette voix - un léger ton narquois l'accompagnant :

" Eh bien, il faudrait savoir ce que tu veux !

... Mais trêve d'enfantillages ... Je doute que tu ne sois venu uniquement pour quelques tours de passe-passe, Shasui le Chercheur de Ténèbres ... "

Shas'ui allait s'exprimer, sortant son insigne, quand la voix le coupa immédiatement :

" Oh, règle ces affaires-là avec le Toa ... Ce n'est qu'un prétexte, n'est-ce pas ?
Mais je te vois qui reste debout ... Assieds-toi donc. "

Avec hésitation, Shas'ui s'assit sur le sol recouvert de fourrure, sa Lance posée devant lui.

Son invisible interlocuteur reprit :

" Ainsi donc, tu tiens à t'entretenir avec moi ... Je suppose que ce n'est pas pour rien, n'est-ce pas ? Je ne suis pas une simple diseuse de bonne aventure ... Mais je suppose que tu en est parfaitement conscient, n'est-ce pas, Shas'ui ?

Ceux qui viennent me voir, le font par désespoir de cause ... Parce que personne d'autre n'a réussi à les curer du mal qui les ronge de l'intérieur ... Je suis le Dernier Espoir, la Chance de la Fin.

Et je suppose ... Que ton cas est le même, Traqueur de Nuit ... Me trompe-je ? "

Shas'ui se taisait, les yeux fermés, la tête légèrement levée - il n'avait même pas besoin de répondre.

" Bien sûr que non, je ne me trompe pas. Je ne me trompe jamais ... Ou alors si je me trompe, c'est la Vérité qui ment.

Voyons donc voire ce qui t'occupe, Shas'ui le vagabond ..."

La brume se dissipa partiellement, laissant apparaitre un vaste feu crépitant bruyamment et, derrière lui, une vague silhouette ...

Au-dessus du feu, des images défilaient, remontant le long de la mémoire de Shas'ui ... Mais peu à peu, elles s'assombrissaient, alors qu'une forme reptilienne se dessinait ...

Enfin, vinrent des images qui secouèrent le feu-même ... Silhouettes. Hurlements. Fracas. Flammes. Mort ... Puis le noir du néant.

La voix semblait perplexe.

" Je devine, je localise le Mal qui est enraciné en toi, mais je ne peux lui donner d'image ou de nom ... Mais peut-être qu'en faisant le lien avec ... "

Soudainement, la forme sombre se détacha nettement du reste - forme de Serpent, aux écailles ébène et argent ... La bête ondulait d'une manière narquoise, fixant Shas'ui de ses yeux d'émeraude.

" Oh, nous y voilà ... Impressionnant. Tout ce qui en découle, et tout ce qui attend de sortir ... J'en ai des frissons. Si seulement je pouvais mettre un nom là-dessus ... "

" Makuta. Oxeka. "

Shas'ui avait jeté ces mots comme des poignards lancés sur le Serpent, comme si lui donner un nom aurait pu le décapiter.

" Makuta Oxeka ... En effet, je m'en souvient ... La tâche sera ardue. Je ne vois même qu'une seule solution - brûler le Mal à la racine ... Mais je suppose qu'il est inutile de te dire ça, Chasseur de l'Ombre ? Je suppose que tu le traque déjà, sans succès, alors que son influence e ronge ? Tant de mal pour une personne ... "

Shas'ui articula, avec peine :

" Tant de mal pour un peuple ... "

" Oh. Je vois... C'est alors pire que ce que je croyais.
Je crains alors pour ta raison ... Non, ne t'en fais pas. Ce n'est pas en un, ou en dix siècles, ni même en dix millénaires, que tu sera atteint gravement - si tant est que ton existence actuelle de Chasseur, mais aussi celle à venir, te laissent une échappatoire ... Mais tu est condamné, plus que tout autre.
A moins que ... "

La voix se faisait hésitante - mais Shas'ui la pressa de poursuivre :

" A moins ... Que tu ne soit prêt à faire des sacrifices. Que tu ne soit prêt à prendre un certain risque ... Si tu est prêt à te livrer aux narcotiques. "

Soudainement, un coup de vent glacial chassa la chaleur, coucha le feu et l'éteignit, alors que la fumée s'éparpillait, laissant apparaitre l'intérieur - totalement dénudé - de la yourte... Vide, hormis Shas'ui.

Ce dernier se leva, et, ramassant sa Lance, sorti... Passant le seuil, il entendit un dernier murmure :

" Si tu est prêt à ce sacrifice, pour conserver ton Esprit ... "


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Fin de la Première Partie ...

Part 2

[...]
Le temps passe, l'Univers change autour de lui.
Des Nations se créent, d'autre disparaissent - des guerres éclatent, des paix se forment, des pactes se brisent, des intrigues politiques malmènent leur pays ...
Ainsi pourra-t-on résumer la Guerre des Puissants.

Dans une autre réalité, les haines seront interrompues par un Danger plus grand - dans une autre, les " coupables " furent exilés, laissés à la solitude du Vide et de l'Infini ...
Il existe une Réalité où la Guerre entraina le progrès technologique, et ainsi le progrès dans la manière de détruire et de tuer - chaque Nation réduisant littéralement en poussière les villes de ceux d'en-face - en revanche, dans une autre Réalité, ce progrès s'est arrêté en cours de route, enterrant les belligérants - et surtout leurs soldats - dans la boue et la crasse de Mios de tranchées, où chaque attaque se solderait invariablement par un bain de sang de plus ...

Mais pas dans cette réalité-là.

Ce fait est commun à un certain nombre d'Existences dites parallèles - les Chasseurs de l'Ombre, mercenaires luttant pour le plus offrant, se sont ralliés à la Ligue des Six Royaumes, menée par d'anciens leaders revenu à la tête de leur Empire millénaire, après leur emprisonnement, punition pour s'être révolté contre l'Ordre établi ...

Les deux Factions s'allièrent donc, mettant leurs intérêts en commun, pour se protéger des haines de ceux d'en-face, fusionnant pour créer l'Alliance Criminelle.

Ce qui suit, est assez exclusif à de rares réalités ... Les Barrakis, leaders de la Ligue, disparurent sans laisser de trace ... Alors que peu de temps plus tard, le Ténébreux, leader des Chasseurs de l'Ombre, était retrouvé mort dans son Bureau.

Il existe des Réalités où la crise qui résulta de cette double-décapitation brisa l'Alliance Criminelle - éparpillant les Chasseurs, jetant de nouveau à bas la Ligue ...
Mais il existe aussi des Réalités où un simple Lieutenant, par la Force des Choses - ou bien en réponse à l'Adversité - se trouva au bon endroit au bon moment, reprenant les rênes de l'Alliance, mâtant les révoltes, exécutant les traitres ... Un simple Lieutenant nommé Shas'ui.

De la même manière, dans certaines Réalités, après avoir mené l'Alliance à son sommet, Shas'ui périra - que ce soit suite à une opération trop ambitieuse, à une embuscade au mauvais moment ... Ou à un Procès punitif, lui reprochant simplement de s'être opposé au Vainqueur.

Mais, de nouveau ... Pas dans cette réalité.

L'Alliance, mettant en jeu tout son potentiel industriel et personnel, écrasa littéralement ses adversaires - sa Flotte rôdant l'Univers tel un rapace cherchant sa proie, s'en prenant au premier cargo, à la première île rencontrée, n'arborant pas la Bannière Bleue ; son armée conquit chaque territoire, que ce soit en de brèves et éclatantes victoires, ou en de longs carnages, gagnant pourtant le terrain pouce par pouce.

Il leur faudra pas moins de douze années pour le seul Siège de Metru-nui ... Et au moins dix fois ce temps pour soumettre chacune des deux autres grandes Factions de l'Univers Connu, mais au final, l'Alliance Criminelle finit - de guerre lasse - par faire arborer sa Bannière Bleue sur tout l'Univers Connu...

Au sommet de tout cela, deux têtes - le charismatique Shas'ui, Seigneur de l'Alliance Criminelle. Mais aussi, le tristement célèbre Tericarax - Premier Conseiller du Seigneur, mais également Commandant de la Flotte, et surtout - Sorcier personnel de Shas'ui ...

A eux deux, ils étaient les deux plus anciens membres de l'Alliance, et derniers Gradés représentants de leurs Factions d'origine, - les Chasseurs de l'Ombre pour Shas'ui, et la Ligue des Six royaumes pour Tericarax.
Quand aux autres gradés ... Ils avaient été " évincés " au fur et à mesure, certains envoyés en première ligne après diverses querelles internes, d'autres exécutés suite à quelque complot pour s'emparer du Pouvoir ...
Ceux restants n'avaient pas fait de vieux os - l'âge, mais aussi les " habitudes " de Shas'ui, sans compter l'influence de Tericarax, rendirent le Seigneur de l'Alliance méfiant au-delà de toutes limites, ce dernier n'ayant plus confiance en rien si ce n'est deux choses...

Tericarax, et les Machines.


[...]

Le Behemoth II - ou plus précisément, Behemoth IH-6 F (II) planait lentement, moteurs à rythme minimal, au-dessus de l'Océan Infini - limite ultime, si l'on excepte l'Atmosphère, de l'influence de l'Alliance.

Un petit planeur perça les nuages pour s'approcher du petit croiseur, son pilote pouvant contempler sans restrictions le " Second Joyau de l'Alliance " ... Second, depuis la destruction de l'Original suite à un "attentat" raté, visant les deux têtes de l'Alliance...
Le Nouveau Behemoth ressemblait à un antique Sous-Marin, bien que sur-dimensionné - mesurant environ cinq-cent Bios de long, pour, au maximum, quarante de large ; la Tour de contrôle, aux dimensions plus que restreintes, était une entière baie vitrée surmontée d'une petite plate-forme, abritant par le passé une petite pièce anti-aérienne manuelle - aujourd'hui démontée ... Après tout, la seule force militaire restant dans l'Univers, était celle de l'Alliance.
La baie vitrée de la Tour était bien la seule ouverture laissant passer de la lumière dans le Behemoth-II - il s'agissait d'un Croiseur de Poche, pas d'un yacht de luxe.

Seule différence majeure avec un paléo-sous-marin : les impressionnantes Voiles Solaires, installées sur le Pont externe et sur les flancs du Croiseur , donnant à la Machine - à la surprise de ses adversaires passés - une vélocité impressionnante ... Ayant parfois servi d'une manière extrêmement brutale, quand le Behemoth II se servit de son éperon avant pour littéralement empaler un Croiseur adverse.

Le Croiseur était sobrement décoré - sa coque grise laissait le métal à nu, seulement couvert sur les flancs par l'insigne de l'Alliance - ce " V " courbé, symbole au sens désormais uniquement connu des deux Leaders de l'Alliance ...

Le Planeur était désormais juste à côté du Behemoth II, son pilote communiquant par signal avec le Moniteur de bord, négociant l'arrivée de son appareil à bord.

Finalement, des lampes vertes s'allumèrent, alors que le Pont supérieur s'illuminait, désignant la zone d'atterrissage du Planeur ; quand celui-ci se fut posé sur le large pont, la zone où il était s'affaissa soudainement dans l'intérieur de la coque, menant l'engin et son pilote au hangar interne.

Quand cette descente dans les ténèbres, entrecoupés de lumières passagères délimitant chaque niveau, s'arrêta, le voyageur fut accueilli dans le hangar par une petite sphère volante - semblable à un œil robotique, lévitant dans l'air en un vrombissement discret, parlant au pilote de sa voix synthétisée - et pourtant expressive :

" Salutations ! Je suis 6-12 ' Compagnon de Voyage ' ... Je suis le Moniteur du Behemoth IH-6 F (II), à votre service. Quelle est votre requête ? "

Le voyageur, entendant le " nom " du Moniteur, parut quelque peu déconcerté, mais fouilla dans sa besace et tendit au " Compagnon " une petite plaquette gravée.

" J'ai ... Fait demande d'audience auprès du Seigneur de l'Alliance, étant responsable de la Justice dans trois districts, j'aimerais ... Lui faire part de mes observations, et lui proposer mes idées. "

Le Moniteur analysa la tablette à l'aide d'un petit rayon sortant de son " œil " central, émettant un "bip" quand la lecture fut finit.

" Le document semble correcte. Pas de trace de contrefaçon. Malheureusement ... Le Seigneur est pour l'instant indisponible. Il est en concertation avec Tericarax ... Puis-je vous faire patienter quelques instants ? "

Sachant que toute réponse était inutile, le voyageur haussa des épaules et suivit le Moniteur, alors qu'une porte s'ouvrait automatiquement sur une coursive mal éclairée.

Le voyageur fut amené dans l'ex-caserne, qui en temps de guerre abritait au minimum une cinquantaine de soldats ... Maintenant désaffectée, le manque s'entretient était flagrant : de longues coulées de rouille traversaient les murs, les casiers étaient délabrés, quelques armes trainaient, elles aussi dévorées de rouille ...

Les " quelques instants " d'attente se révélèrent être en réalité quelques heures - le voyageur en profita pour dormir, bien qu'il préféra coucher sur le métal froid du hall, plutôt que sur les paillasses infâmes des anciens quartiers de repos des soldas.

Quand enfin le vrombissement du Moniteur résonna dans la coursive sombre, le voyageur se dressa sur ses pieds et saisit sa besace, suivant sans tarder le Moniteur - qui ne prit qu'à moitié la peine de s'excuser de l'attente subie par son hôte :;

" Cela arrive. Le Seigneur de l'Alliance n'est pas aussi à cheval sur les horaires que ce que l'on pourrait penser, et il arrive qu'il se laisse emporter par le temps quand le sujet lui tient à cœur. "

Le voyageur sourit en pensant :

* C'est bien là le discours officiel ... Le même depuis un siècle et-demi. *

Le Moniteur guida le voyageur jusqu'à devant une lourde double porte, gardée par deux Vakhi rouillés et poussiéreux - qui pourtant fixèrent leur tête en direction du Voyageur, ne le quittant pas du regard sans faire d'autre mouvement que celui de leur tête.

Au dessus de la porte, un écran circulaire... Le Moniteur s'en approcha, son petit rayon passant sur la surface de l'écran noir; finalement, celui-ci s'illumina, alors que le Moniteur s'en écartait pour rejoindre son hôte.

" J'ai annoncé votre venue au Seigneur Shas'ui ... Il va bientôt vous apparaitre; si vous avez de la chance - si il est d'humeur accueillante - il vous recevra en personne. "

L'image se brouilla quelques instants, avant qu'une forme sombre apparaisse dessus; on entendait, bien que difficilement, des bipements, des bruits de Machine, des frottements de câble ... Et une lourde respiration, lente, profonde mais aussi éraillée, parfois sifflante... Finalement, deux yeux brillants apparurent dans cette pénombre, points dorés dans l'obscurité.

Ils scrutèrent patiemment le voyageur, et, enfin, une voix s'éleva, lourde, lente, pesante, usée, comme un écho lointain mais grondant :

" ... Qui ... Qui êtes-vous ? Quel est votre nom ? "

Le voyageur toussota.

" Je ... Mon nom est Exo-Jal. Je suis ... Je suis représentant de Votre Justice, dans les districts de Xia et de Nynrah. "

" Ah ... Représentant de " ma Justice " ? Ha, ha ha ... " La voix tenta de rire, mais s'étrangla ào moitié en le faisant; s'en suivit une lourde quinte de toux, une toux grasse, comme habituelle. Quand la voix reprit, elle était sifflante, comme déjà épuisée par l'effort.

" ... Hhh ... Xia et Nynrah ... Les Arsenaux ? De bons souvenirs se trouvent là-bas ... Hhh ... "

L'écran se brouilla, montrant des images très courtes - mais distinctes : des Cheminées d'usines auxquelles ont avait pendu des corps; des flammes, des barricades éventrées ; et une toute dernière image - un Toa, qu'Exo-Jal reconnu immédiatement, en un choc :
Brême.

A peine l'image était-elle apparue, qu'elle s'était effacée, et à nouveau s'affichait sur l'écran la pénombre percée de ces deux yeux jaunes.
Exo-Jal remarqua que, à peine les images " flash " avaient-elles disparu, les bipements se faisaient plus rapides, et la respiration qu'il entendait à l'écran se fit plus lente, plus reposée, une respiration de coma ...

Il entendit un bruit d'aspiration, et un profond soupir.

Enfin, la voix revint - plus calme, plus lente, mais aussi plus faible.

" ..Hhh... Eh bien ... Que voulez-vous ? "

Prenant son courage à deux mains, Exo-Jal demanda d'une voix hésitante :

" Puis-je ... Pourrions-nous nous parler en tête-à-tête ? "

La voix se tut quelques instant. Exo-Jal aurait juré avoir entendu l'écho d'un ricanement. Fermant les yeux, il revit distinctement l'image de Brême.

Cela datait .... De la guerre. D'il y a deux ou trois siècles de cela.

Brême ... L'Empereur Brême - avec l'Amiral Tramor, le leader de la Triade du Grand Esprit ... La seule faction à lutter pour des valeurs morales, pour la Liberté, et pour protéger l'Univers ...

On raconte que Shas'ui aurait, par le plus grand hasard, rencontré Brême. Les deux Leaders, arch-ennemis, s'étaient pourtant retrouvés paisiblement - on ne sait ce dont ils parlèrent ...

... Mais ce qui est sûr, c'est que Brême mourut six jours plus tard.

Non pas au combat, ni même poignardé ou empoisonné ...

... Il s'était pendu.

C'était au même moment que Shas'ui commença à évincer ses anciens compagnons... Et à ce moment-là que l'Alliance rentra dans une optique de Guerre Totale - multipliant les actes de piraterie, les exécutions de prisonniers, les pillages de villes - sans compter les massacres de populations conquises ...

" La Guerre n'est pas à prendre à la légère, et il faut savoir aller jusqu'au bout si l'on veut imposer ses vues, si l'on veut la Victoire Totale ", avait alors déclaré officiellement Shas'ui, et son porte-parole Tericarax.

La Triade elle-même ne tarda pas à entrer dans un comportement similaire :

" La violence appelle la violence, et si c'est le seul moyen de se faire entendre, alors que le Grand Esprit nous pardonne - nous voulons protéger son Peuple, " avait répondu Tramor.

La Guerre allait encore durer deux Siècles.

[...]

Alors que les deux plus grands Blocs de l'Univers Connu se lançaient dans la Guerre totale, il semblait que c'était l'Apocalypse qui allait abattre sa colère sur tout ce qui vivait.

La mort était de loin préférable à la captivité, aussi on vit, des deux côtés, de nombreux suicides en masse - autant des militaires sur le point d'avoir à capituler, que des civiles, des citadins dont les conquérants sont aux portes de leur villes.

Ainsi une bonne partie de la Péninsule de Tren Krom brûla, ayant été alarmée de la Flotte de l'Alliance occupant son ciel.

Le ciel lui-même n'était plus un échappatoire : les flottes des belligérants y rodaient, tels de véritables hordes de rapaces s'abattant sur tout ce qu'ils croisaient; du ciel venaient les corsaires, du ciel pleuvaient les bombes ... Mais aussi les Gaz.

Et cela n'étonna personne que bientôt sur l'île industrielle de Xia, objectif majeur des véhémences de la Triade, les nuages gris et noirs s'amassent continuellement autour de la Montagne, déversant des quantités diluviennes de pluies acides.

Mais on sera toujours étonné de la capacité d'adaptation d'ouvriers au sein d'une dictature militaire - et qu'importe les bombes, les gaz de combat et les nuages toxiques, Xia continuerait jusqu'au bout à couler du Métal pour les blindages et à tourner des cannons, pour la plus grande gloire de l'Alliance Criminelle.

Ce fut probablement l'une des plus grandes ironies de la Guerre - une de ces farces du Destin, qui furent offertes à l'Alliance, et qui lui ouvrirent la voie vers la victoire ... Qui lui donnèrent les clés de l'Univers.

L'Alliance était probablement la plus grande dictature, militaire, que l'Univers ai connu, avec tout ce que cela sous-entends. Pourtant jamais ou presque, un peuple n'a été aussi soudé derrière celui qui l'opprimait : en vérité, le peuple de l'Alliance était tout entier acquis à Shas'ui lui-même.

Cela posera probablement une énigme de taille pour les Historiens futurs : il semble pourtant absurde que jamais le peuple de l'Alliance n'ai ne serai-ce que contesté, remis en question son Seigneur - à croire que ses talents d'orateur, de démagogue étaient réellement au-dessus du commun des mortels, comme un envoyé de ce Destin farceur, décidé à faire sombrer les Valeurs morales, la Justice et la Liberté.

... Ou alors, la Destinée aurait un point de vu très décalé sur Liberté et Justice.

En tout les cas, jamais, même après les pires revers, le moral du peuple de l'Alliance ne baissera, jamais sa confiance en la Victoire, et en Shas'ui, ne s'affaiblira... Contrairement à celui de la Triade - qui se sentait irrémédiablement condamné, mais qui pourtant continuait à croire en Tramor, en l'espoir qu'une aide " supérieure " les sauverait - que ce soit l'éveil du Grand Esprit, ou une intervention des Créateurs.

Ce qui ne restera qu'un espoir, qui finira par s'estomper, à s'effilocher totalement après la tragique disparition de l'Amiral Tramor, dernière tête dirigeante de la Triade.

Disparition qui n'en fut pas tout à fait une.

Exo-Jal était perdu dans ses pensées, dans ses souvenirs - revoyant avec une douloureuse précision, chaque image, chaque instant de la déchéance de la Faction qu'il avait servi du mieux qu'il put - et qu'il avait désormais renié, jusque dans ses valeurs morales les plus profondes.

Il eut l'impression que se remémorer ces quelques siècles n'avait prit en réalité que quelques secondes, car il entendit par l'interphone visuel, un long soupir émaner de la Chambre de Shas'ui.

De nouveau, un ricanement - discret, mais ironique, cassant - résonna dans les coins d'ombre.

Exo-Jal s'interrogea un instant.

Eut-il peut s'agir de Tericarax ? D'après le Moniteur, le Seigneur et le Sorcier se concertaient ... Mais que cela voulait-t-il réellement dire ?

Si Shas'ui n'avait pas prit la parole en public depuis quelques décennies, Tericarax, lui, ne l'avait presque jamais fait.

Il se contentait, visiblement, de rester dans l'Ombre, à " se concerter " avec Shas'ui. Chacun étant complémentaire à l'autre : Shas'ui, le tacticien, pragmatique, orateur et démagogue ... Tericarax, le stratège, passé Maitre en sorcellerie et autres sciences occultes, Oracle personnel du Seigneur de l'Alliance - l'un Lieutenant, l'autre Souverain.

En réalité, se disait Exo-Jal, il ne lui semblait pas connaitre l'allure de Tericarax.

Il fut interrompu dans le fil de ses pensées, par le grincement automatique de l'imposante porte qui menait à l'antichambre de la Salle qu'occupait Shas'ui.

Il entra instinctivement, seul, alors que le Moniteur restait en suspension au-dessus du pallier.

La porte se referma aussi soudainement qu'elle s'était ouverte, laissant l'antichambre dans la pénombre.

L'obscurité fut bientôt coupée par l'illumination d'un nouvel écran - bien plus imposant que le précédent ... Et sur lequel Exo-Jal discernait une silhouette qu'instinctivement, il reconnut comme étant Tericarax.

La figure elle-même ... Exo-Jal ne préférait pas avoir à la décrire - il en avait des frissons rien que d'y penser, tant ce visage était impassible, dénué, littéralement vidé d'expression et de sentiments.

Une incarnation réelle - et réaliste - de la Mort.

Celui-ci scruta Exo-Jal, et se mit à ricaner, d'un rire à côté duquel le mot " sinistre " représentait une vision niaise de la vie bucolique, pleine de joie, de vie et de Nature.

Mais le rire fut coupé par une quinte de toux provenant de Shas'ui ... Quand il se fut calmé, ce dernier parla;

" Voyons ... Tericarax ... N'effrayez pas mon hôte... Hhh ... Il vient juste d'arriver... Ouvrez-lui donc la porte, et partez donc exécuter cette directive que nous avons discuté. "

La silhouette de Tericarax s'inclina, et l'instant d'après, avec la même soudaineté, la porte de l'antichambre s'ouvrait en un hurlement de métal rouillé - faisant sursauter Exo-Jal.

Il resta pétrifié un instant en voyant Tericarax s'avancer vers lui. Il avait plus que jamais l'impression de se retrouver en face d'un des Cavaliers de l'Apocalypse, alors que le Lieutenant de l'Alliance avançait lentement, laissant trainer son ample cape déchirée sur le sol, tenant à bout de bras, sur son épaule, la terrible Larmzoûl : une lame digne du titre d'Artefact - une lame Buveuse d'Âmes ... A ce que raconte les rumeurs.

En passant à côté de lui, du moins; le métal torturé de la large épée grinça ... Grogna ... Et même, grimaça...

Fermant les yeux un instant, Exo-Jal les rouvrit et, prenant une inspiration profonde, s'avança dans la Salle de Shas'ui.


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Shas'ui regarda un instant s'éloigner l'une des deux seules entités en qui il aurait aveuglément placé sa confiance - Tericarax.

La seconde ... Ne le quitterai jamais - ou plutôt ... Lui, ne pourrait jamais la quitter.

La Machine.

Cette Machine qui le gardait sur cette fine ligne entre la Vie et la Mort, entre l'Existence et le Néant - entre la raison et la folie.

Folie qu'il fuyait, à qui il essayait d'échapper par tous les artifices possibles, les meilleurs qu'il ai trouvé à l'heure actuelle étant ... Les narcotiques.

Le Seigneur de l'Alliance d'autrefois n'était plus, c'était une évidence.

Mais après tout, l'Alliance d'aujourd'hui avait-elle encore besoin d'un charismatique leader, d'un démagogue pour la diriger ... Alors qu'elle avait le Grand Esprit ?

Ce Grand Esprit, espoir ultime de la défunte Triade ... Espoir retardé.

Le Réveil de Mata-nui mit plus de temps que prévu ... Et le Grand Esprit, dans sa sagesse supérieure, décida d'attribuer ses faveurs à la seule Grande Puissance encore debout dans cet univers au bord de l'effondrement : l'Alliance, aussi Criminelle soit-t-elle.

Désormais, l'Alliance donc pouvait, en cas de problèmes, compter sur la bienveillance de ce Grand Esprit qui avait placé sa confiance en Elle, tandis qu'Il s'occupait de questionnements bien plus élevés.

Shas'ui secoua la tête, et, pour chasser de son esprit ces errements futiles, appuya sur la commande de la Machine - qui lui répondit selon son souhait, en embrumant son esprit de narcotiques, alors que le Seigneur de l'Alliance, ou ce qu'il en restait, distinguait dans le vague, un Toa rentrer dans la salle et le regarder.

Shas'ui eut un frisson, alors que son esprit embrumé peinait à identifier celui qui portait maintenant son regard sur ...

... Le Tube de conservation Stasis qui trônait juste en-dessous de Shas'ui - lui-même siégeant dans la Machine, à quelque trois Bios du sol, au-dessus d'un enchevêtrement de mécanismes, de câbles, de grilles de ventilateurs ...
... Dans le Tube lui-même, en état de coma permanent, et ce depuis bientôt un siècle, le dernier chef de la Triade - l'Amiral Tramor, figé dans une allure de pantin désarticulé, flottant dans un liquide verdâtre, visiblement épais, qui laissait de temps en temps remonter à sa surface les bulles d'air sortant de la respiration du condamné au supplice éternel .

Le Tude Stasis, la non-mort : la vie au sens physique du terme ... Mais sans aucunes pensées, l'existence sans existence.

Les Senseurs de la Machine lui indiquèrent que le " condamné " était en état d'activité anormale ... Sa respiration s'accélérait.

Soudainement, les panneaux obstrués par des volets de fer, de la grande baie vitrée composant la Tour du Behemoth II, ces panneaux donc redonnèrent la lumière du jour en un claquement simultané , alors que Shas'ui était douloureusement aveuglé, lui qui était habitué à une constante pénombre.

Shas'ui commençait à s'agiter. Sa propre respiration s'accélérait, lui imposant de pénibles quintes de toux, doublées de sueurs brûlantes, alors que le Toa - qui lui paraissait terriblement familier, sans qu'il puisse lui mettre un nom directement - déambulait dans la salle, répondait des banalités aux questionnements du Moniteur quand à l'agitation " injustifiée " de Shas'ui.

Il lui sembla alors que la Machine avait resserrée son étreinte sur lui - les câbles le tenaient désormais fermement, et, en un sursaut retenu, Shas'ui crut deviner le sifflement d'un Serpent...

... Mais pas n'importe lequel ...

... Alors que le Toa s'approchait de lui, Shas'ui voyait deux visages en même temps - sa raison en voyait un vaguement connu, ancien officier de la Triade qu'il avait lui-même gracié. Mais son esprit voyait, aussi clairement qu'il le crut, le visage de ...

... Toa Brême.

Shas'ui entendit un fracas de verre, alors que dans son esprit, Brême se rapprochait inéluctablement de lui ; les Senseurs lui disaient que le Tube Stasis s'était brisé. Que Tramor s'était réveillé ...

Sur son corps, dans l'étreinte de la Machine, Shas'ui sentit avec répulsion le glissement du Serpent, alors que son esprit devinait que la Machine était abaissée jusqu'au sol, le rabaissant devant les regards combinés de Tramor et de Brême.

Il eut voulu crier, appeler à l'aide, appeler Tericarax, mais il vit dans la main de Tramor, le câble qui faisait encore vibrer ses cordes vocales ; il eut voulu hurler mentalement, pour attirer son Lieutenant à lui, mais la Peur - une terreur profonde, implacable, inéluctable, occupait tout ce qui restait de son esprit, de sorte que ce qui fut le Seigneur de l'Alliance était désormais paralysé autant physiquement que mentalement.

Aussi, ce fut en un simple soupir, que Shas'ui, Chasseur de l'Ombre, Seigneur de Guerre, Vagabond dans ce qui restait de son âme, succomba, sous les yeux pétrifiés d'Exo-Jal, son esprit totalement rongé par la Machine et ses drogues, son semblant âme dévorée de l'intérieure - l'existence réduite à néant, par la Peur.

u ne pense pas à vérifier que tout colle, et tu n'a pas forcément que ça à faire que de te relire

Shas'ui a écrit:Hmm ... Whoulà, je reviens à peine de mon week-end, et je dois déjà faire des plans de publication pour ne pas vous décevoir +_+

Je ne retiendrais qu'un seul commentaire :

Ho lala !!

Nah, plus sérieusement ... Déjà on me balance des problèmes d'incohérence à la figure u_u Le truc c'est que voilà, quand tu écris à 23h tu ne pense pas à vérifier que tout colle, et tu n'a pas forcément que ça à faire que de te relire quand tu a posté à Minuit moins le quart *-*

Shas'ui a écrit:
... Plus sérieusement, au cas où ça intéresse qui que ce soit j'ai un peu remanié la dernière partie, principalement en réduisant au maximum le nombre de points de suspension qui autrement, à mon avis, feraient succomber d'étouffement quelqu'un qui lirait à voix haute. Je le sais, j'ai essayé avec ... Euh, j'en ai déjà trop dit. Vous n'avez rien vu, d'accord? =D